3096 jours de Natasha Kampusch : entre captivité et réflexion sur le mal

“Sensible - dans mon enfance, c’était un terme péjoratif servant à désigner des gens trop tendres pour ce monde.”


Natasha Kampusch ne débute pas 3096 jours par sa captivité. Elle remonte bien plus loin : elle couvre les dix premières années de sa vie, celles qui ont forgé la petite fille effacée et peu confiante, personnalité qui a attiré son kidnappeur. C’est cette envie de chercher, de comprendre, qui m’a faite accrocher à l’histoire. Ce n’est pas 300 pages de complainte. Ce récit est l’oeuvre d’un cheminement à saluer.


3096 jours, nous dit le résumé, est l’histoire de la captivité de l’auteure, qui fut enlevée à l’âge de dix ans et détenue à 25 minutes de chez elle pendant huit ans et demi. Je ne me serais sûrement pas retournée sur ce livre si une blogueuse et auteure que j’apprécie n’en avait pas fait l’éloge - grâce à elle, je viens à mon tour en faire l’éloge.


“Lorsqu’on est adulte, on sait qu’on perd une part de soi-même quand il faut tolérer des faits que l’on n’aurait jamais imaginés avant leur survenue. Le sol sur lequel on s’est construit se fissure alors. Et pourtant, l’unique bonne réaction est de s’adapter, car c’est ce qui garantit la survie.”


Enfance mi figue mi raisin, petite fille perdue, enlèvement expédié en quelques lignes : tout va vite et on ne comprend pas bien. Bienvenue dans l’univers de Natasha Kampusch qui vient de perdre l’enfant qu’elle était. Ce récit, c’est son combat pour garder la santé mentale dans une cave. Pour s’accrocher à des souvenirs heureux, pour continuer à espérer alors même que pendant deux ans elle ne voit pas la lumière du jour.


C’est la moitié du roman. Et puis, commencent les descriptions de sévices corporels. D’abus. De coups. Je ne vous cacherais pas que la plupart de ces lignes m’ont données envie de vomir mais que par respect pour l’auteure je les ai lues. Avec ce livre, on fait le yoyo émotionnel : j’étais émue aux larmes par certaines réflexions sur la vie et la survie, mais j’étais aussi profondément furieuse, contre cet homme. Je ne pense pas qu’on puisse avoir plus de raisons de le haïr que Natasha, et pourtant elle nous exhorte à la prudence, et à la prise de recul. Le plaidoyer de Natasha, c’est de voir les nuances de gris. Si l’on démonise le kidnappeur, alors ça ne peut pas être le voisin à qui l’on adresse un signe amical le dimanche matin quand il tond sa pelouse. La balance entre récit et introspection est parfaitement maîtrisée.


“La victime doit être brisée et le rester, afin que l’externalisation du mal puisse fonctionner. Une victime qui n’endosse pas ce rôle personnifie la contradiction dans la société. On ne veut pas voir cela, car il faudrait alors se poser des questions.”


Puis il y a sa libération. Quel soulagement ! Et bien, peut-être pas tant que ça. Car c’est cette société qui a créé Wolgang, et bien d’autre. Pas d’expériences traumatisantes dans son enfance, mais des problèmes relationnels à l’âge adulte. Pourtant, il se fond dans la foule, il salue ses voisins et va acheter des vêtements pour la jeune fille qu’il a enlevée. Qu’est-ce qui ne va pas chez lui ? Que s’est-il passé pour que la seule solution qu’il ait trouvé pour avoir quelqu’un auprès de lui soit d’enlever une petite fille et de l’élever en tant  que parfaite compagne ? Toutes ces questions sont très justement posées par Natasha, qui s’est libérée depuis presque dix ans. Dix ans qui n’ont pas été toujours faciles, car dans sa quête de la vérité elle s’est fait beaucoup d’ennemis.

Je garderai de cette lecture marquante le souvenir d’une jeune fille qui n’a eu d’autre choix que d’être courageuse et de se protéger. C’était émotionnellement difficile à lire mais c’est un livre que je conseille à tout le monde, malgré un avertissement en ce qui concerne certaines scènes pour les jeunes ados !

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