A la recherche des souvenirs d'enfance: "La Gloire de mon père"

(cette image n'est pas à moi)

    "Ce que j'écoutais, ce que je guettais, c'était les mots: car j'avais la passion des mots; en secret, sur un petit carnet, j'en faisais une collection, comme d'autres font pour les timbres (...) Lorsque sur le fleuve de son discours, je voyais passer l'un de ces vaisseaux à trois ponts, je levais la main et demandais des explications, qu'il ne me refusait jamais. C'est là que j'ai compris pour la première fois que les mots qui ont son si noble contiennent toujours de belles images" - p115 

   La Gloire de mon père (1957) est le premier tome d'une trilogie appelée Souvenirs d'enfance, une première pour Pagnol puisqu'il n'avait jamais écrit de roman auparavant. C'est pour lui un pari audacieux puisqu'il rédige en partie ses mémoires: il narre en effet son enfance révolue en Provence, dès sa naissance, en insistant bien sur le cadre et les liens qui existent entre les différents membres de sa famille, puisque ceux-ci auront évidemment un impact sur lui. 

   J'ai apprécié ce roman mais pas autant que je pensais le faire avant d'entamer ma lecture. Ma mère m'en avait tant parlé que je m'attendais à quelque chose d'extraordinaire. J'ai plus été intéressée par les personnages et l'histoire que le style d'écriture, presque sommaire à mon goût. Malgré cela, il y a bon nombre d'éléments remarquables à relever: Marcel semble avoir été un enfant curieux, avec une soif insatiable de comprendre les adultes dont l'existence repose sur un fonctionnement complètement différent du sien. L'enfance apparaît donc comme une période fixe faite de jeux mais aussi une période transitoire durant laquelle on tend vers l'âge et les préoccupations adultes, ce qui explique une sorte de flottement entre deux âges vécu par Pagnol enfant. Ainsi, il se révèle sans pour autant que l'on ait l'impression de rentrer dans son intimité puisque, dès l'introduction, il met ce passé à distance: on voit Marcel jouer avec son frère, aller au parc avec sa tante, admirer son père, son héros, instituteur presque socialiste en semaine, menuisier du dimanche, sans oublier sa mère, pour laquelle il éprouve également beaucoup de tendresse. On apprend en même temps que l'enfance est une succession de petits riens qui font notre bonheur: la craie de couleur peut faire le plus beau des maquillages, tout comme le fait d'être détenteur d'un secret qui nous paraît dérisoire une fois que l'on a grandi. Être un enfant c'est faire d'une petite escapade la grande aventure des vacances et du goûter un festin; être un enfant, c'est laisser son imagination en liberté et l'écouter comme la voix de la vérité.  Il n'empêche que ce n'est pas seulement l'époque de l'insouciance aveugle où l'on fait semblant d'être un aventurier, c'est aussi celle de l'expérience: Pagnol s'amuse à tester des théories douteuses sur des insectes, découvre que les adultes peuvent mentir (et lui aussi par la même occasion), qu'il peut faire ses propres choix et aller à l'encontre des ordres auxquels il est censé obéir. Il y a quelque chose de très sérieux dans la démarche de l'auteur qui plonge dans ses souvenirs, sans pour autant chercher à redevenir un enfant, avec la même solennité que lorsqu'il a vécu événements racontés. Cette enfance de la fin du XIXème fait qu'il est impossible également de passer outre le cadre historico-politique, soit la présence de la Troisième République dont Joseph, instituteur et anticlérical convaincu, se fait le porte-parole; on remarque d'ailleurs à quel point les paysans sont loin de partager les valeurs de cette République en construction, non seulement parce qu'ils ne baignent pas dans cette atmosphère de changement, mais également parce qu'ils ne comprennent pas la radicalité et le besoin de tout révolutionner; ce décalage dans les mentalités pousse Marcel à s'interroger et, très tôt dans sa vie, à se forger une conscience politique qu'il entremêlera à son écriture. 

    Pour terminer cette chronique, je pense que ce livre plaira aux personnes qui aiment les mémoires et les souvenirs d'enfance, à celles et ceux qui apprécient le soleil, les paysages de Provence, le chant des cigales et de lire sur la terrasse ou à l'ombre d'un arbre et pour qui la simplicité est le maître mot pour jouir d'une oeuvre...

A bientôt,
Andréa. 

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