Le livre de ma vie: chronique sur les Mémoires d'Hadrien

Les Mémoires d'Hadrien

 (cette image n'est pas à moi)
            « Hadrien jusqu'au bout aura été humainement aimé », Les Mémoires d'Hadrien, Marguerite Yourcenar (p.316)
        
    
   Comment choisir un seul livre préféré quand on est un/e littéraire...? J'ai longuement hésité entre Les Fleurs du Mal, que beaucoup étudient pour le bac de français, et Les Mémoires d'Hadrien, une oeuvre bien moins connue et qui, pourtant, mérite que l'on perpétue le succès mondial rencontré à sa publication en 1951. Sortons-la donc de l'oubli dont elle est l'objet!     

   Hadrien, le narrateur, est le troisième empereur de la dynastie des Antonins. Sur le point de mourir, il prend la plume pour revenir sur les grandes étapes de sa vie. Ses écrits sont destiné à Marc-Aurèle son petit-fils adoptif qui succédera à Antonin qu'Hadrien a choisi pour héritier. Yourcenar donne la parole à un homme fatigué, endeuillé par la mort de son amant, usé par les campagnes militaires et honteux d'une vieillesse qui l'aliène et attire les regards emprunts d'une pitié qu'il rejette. On entre dans sa plus proche intimité par différents biais, notamment grâce à l'absence de dialogues qui rendent le discours beaucoup plus personnel: on apprend à connaître une personne cultivée, pacifiste et évergète qui, très tôt a perçu la brièveté et l'instabilité des affaires humaines (les frontières sont de plus en plus menacées et l'autorité de l'empereur est remise en question).      

    J'aimerai toujours Hadrien, tant le personnage historique que celui de la fiction, pour lequel mon amour et admiration ne font que grandir grâce à la plume légère mais teintée d'une multitude d'émotions qui tantôt alourdissent, tantôt adoucissent les sentiments du lecteur. Cet homme qui a voulu devenir autre parce qu'il est humain se présente comme un paradoxe qui lui donne toute sa cohérence et, pour le coup, toute son humanité. Il le dit d'ailleurs presque en ces termes: il est devenu dieu parce qu'il est un homme et qu'il aime assez ses congénères pour prendre leur tête de son plein gré et pour le "plus grand bien" (oui je cite Dumbledore et Grindelwald, sans honte aucune). J'ai beaucoup apprécié le fait qu'on a parfois l'impression de faire partie de la vie d'Hadrien, d'être aux côtés de ses amis et protecteurs, ou bien d'être le destinataire de sa longue lettre, voire d'être l'objet de sa quête inachevée de l'amour et de l'érotisme. Parce que Les Mémoires d'Hadrien, c'est aussi cela: une écriture mélancolique, polie par l'imaginaire d'un écrivain qui nous fait frissonner, et rendue érotique par une bisexualité commune et assumée. Les Mémoires d'Hadrien c'est une prose poétique, une syntaxe osée (une ode au point virgule, ce qui devrait faire plaisir à Sarah!) et un emploi de la langue si unique qu'il me semble recevoir une flèche en plein coeur à chaque mot que je lis, tant je trouve puissante la plume du génie qu'est Marguerite Yourcenar.     

    Ce livre n'est pas joyeux, mais il n'est pas déprimant non plus: il se présente comme le bilan d'une longue vie bien remplie, mais qui doit s'achever car rien ni personne n'est éternel et l'empereur, "presque sage", le sait plus que tout autre. Hadrien rédige lui-même sa propre histoire et décide d'enfin tirer sa révérence, après avoir posé les dernières notes d'une symphonie, celle de sa vie, qu'il aura composée dans son entièreté.    

   Pour conclure, Hadrien est l'homme de ma vie, et j'espère qu'il sera également le vôtre.

                                      

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