Lecture à thème de juillet : "Le brave soldat Chvéïk" de Jaroslav Hašek



"Je vous déclare avec obéissance, mon lieutenant, que je suis vraiment aussi idiot que ça..."


      Accordons-nous d'abord sur le fait que cette couverture est extrêmement laide. Mais il s'agit de celle de l'édition que je possède, donc j'y tiens et je vous la montre. Cela posé, repartons sur des considérations beaucoup plus sérieuses, incluant notamment une réflexion sur l'absurdité de la guerre.

      Quand il a été décidé que notre lecture à thème du mois de juillet porterait sur la littérature étrangère, je me suis dit que j'allais essayer de trouver un livre bizarre venant d'une littérature totalement méconnue en France. Dans ma pile à lire, j'avais deux livres correspondant à ce critère : un de la littérature hongroise, et un de la littérature tchèque, et c'est finalement cette dernière qui l'a emporté, et c'est ainsi que je me suis retrouvée avec Le brave soldat Chvéïk de Jaroslav Hašek entre les mains. Très honnêtement, je n'avais pas la moindre idée du monstre auquel je m'attaquais. Après coup, j'ai lu que pour certains, il s'agissait de l'un des meilleurs livres satiriques jamais écrit. Pour d'autres, bien plus modestes, il ne s'agissait de rien de moins que le plus grand livre de la littérature tchèque. Heureusement que je n'avais pas lu ça avant : vous imaginez le coup de pression autrement ?

     Publié pour la première fois en 1921, ce roman raconte l'histoire de Chvéïk, un simple d'esprit, confronté à la Grande Guerre. Fervent patriote, celui-ci est prêt à tout pour servir l'Autriche-Hongrie et son empereur, mais une série de quiproquos l'empêche de se rendre sur le front, et seule la bonhomie et la simplicité de Chvéïk l'aideront à se sortir de toutes ces situations périlleuses.

      Assez étonnamment, ce livre a plutôt été une bonne surprise. Je ne suis pas une grande fan de satire ; Don Quichotte, Gargantua... Des lectures-corvées effectuées uniquement pour les cours. Mais ce qui rend ici Le brave soldat Chvéïk appréciable, c'est la légèreté de la satire. Je m'explique : dans ce genre littéraire, on a quasi-systématiquement l'impression que chaque phrase du livre a été écrite dans le but de critiquer quelque chose, et il n'est jamais possible de se détendre complètement, car tout semble pousser à réfléchir et à remettre en question. Une satire, c'est souvent épuisant. Or, ici, la critique de l'absurdité de la guerre n'est effectuée que par petites touches délicates, et le lecteur a véritablement l'occasion de souffler. Certaines plaisanteries n'ont d'ailleurs même pas pour but de dénoncer quoique ce soit : Jaroslav Hašek n'hésite pas à tourner certaines situations en ridicule uniquement dans le but d'amuser le lecteur, sans chercher à faire passer un message derrière. Ce qui fait que les plaisanteries de l'auteur et les histoires invraisemblables narrées par Chvéïk font sourire régulièrement, et de temps en temps, rire franchement !

      Et cette formule fonctionne : a-t-on jamais vu quelque chose de moins sérieux que la Première Guerre mondiale évoquée dans ce roman, et pourtant de plus tragique ? Le vrai coup de génie tient également au fait que (attention, spoiler !) jamais Chvéïk ne parviendra à se rendre sur le front. C'est la guerre vue de l'extérieur, du côté des civils, des déserteurs et des emprisonnés qui est dépeinte, mais du point de vue d'un idiot qui ne comprend pas le sérieux de tout ce qui se passe autour de lui. Il s'agit d'un monde de fous vu par un fou. Et c'est ainsi que se comprend le drame. Comme toute personne normalement constituée, vous ne connaissez pas grand chose au rôle de l'Autriche-Hongrie durant la Première Guerre mondiale. Pourtant, avec un minimalisme rare, Jaroslav Hašek vous donne toutes les clés pour saisir toute l'absurdité de cette guerre insensée.

      Cependant, je vais me permettre de faire preuve de quelques réticences à présent. Si je trouve la manière de faire admirable (vous l'aurez compris j'imagine), il me faut être tout à fait honnête : ce livre n'est pas passionnant. Vous ferez une lecture plutôt agréable, assurément. Mais vous ne serez pas complètement plongé dedans.
      Ce que je reproche tout d'abord à ce livre, c'est d'être assez répétitif : la même situation se répète sans cesse (Chvéïk est arrêté sur un malentendu, il raconte quelques anecdotes, il parvient à sortir de son emprisonnement par hasard, et c'est r'parti), et on attend avec impatience qu'il se passe quelque chose qui vienne briser ce cercle vicieux, en vain. Il existe une suite à ce livre, qui se déroule sur le front. Elle vaudrait peut-être le coup d'être lue, afin de voir si l'évolution de la situation redonne du souffle à l'histoire qui s'épuise.
      Autre point, plus mineur : si la stupidité de Chvéïk rend le personnage drôle, elle ne le rend pas pour le moins attachant. Chvéïk, aussi naïf soit-il, trompe parfois volontairement et n'est pas toujours tendre avec les personnes qu'il croise, pouvant aller jusqu'à se montrer injuste et violent. Le lecteur reste hésitant, ne sachant comme se comporter face à Chvéïk.

      Pour conclure, Le brave soldat Chvéik est un chef d'oeuvre du genre satirique, qui pourrait aisément servir à réconcilier ceux qui, comme moi, sont fâchés avec ce genre. Mais la faiblesse de l'action empêche d'attacher au roman toute l'attention qu'il mériterait. On ressort satisfait de la lecture, mais pas comblé. Mais bon : pour un premier contact avec la littérature tchèque, c'est un bon départ !




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