Lecture à thème de juillet: "Le Libraire"

 
(cette image n'est pas à moi)

"Il aimait l'idée que les livres existent sans lui.
Il se demandait aussi s'il n'aimait pas l'idée de ne pas exister" - Le Libraire, p.20

    De prime abord, je ne savais pas sur quel livre rédiger cette chronique, mais après tout, quoi de mieux pour un blog tel que le nôtre que d'évoquer Le Libraire (2004, Le Livre de Poche) qui nous propose une ode très subjective à la lecture et une réflexion sur l'amour sous toutes ses formes par un libraire qui tient plus de l'ermite à la Maître Yoda, que d'un être humain considéré comme normal? 

   Notre joyeux luron n'a pas d'identité précise: on ne sait pas qui il est, d'où il vient ni à quoi il ressemble vraiment, à part une vague description physique en deux lignes. Les contacts avec ses proches sont rares, il n'a pas d'amis et ses amantes ne sont plus qu'un lointain souvenir. Comme il se montre mal à l'aise avec ses contemporains, toutes les rencontres qu'il fait sont passagères et finissent par claquer la porte derrière elles, lassées par son comportement incompréhensible ou bien parce qu'il a rarement en stock les livres qu'on lui demande ("Le libraire refusait de vendre de la merde" p.26), les clients sont donc peu nombreux et guère comblés. Le libraire vit dans son monde tout en ayant conscience de la réalité de son image d'homme un peu fou qui lui est renvoyée par les réactions de la clientèle à son contact.Le personnage, bien que très particulier, est humain par sa dimension contradictoire: à la fois insouciant, presque naïf voire désinvolte, il est aussi trop impliqué dans ce qu'il fait, il est satisfait de son sort en même temps qu'il se sent parfois prisonnier, frustré, triste et fatigué d'une situation qui n'évolue pas; il désire rendre service autant qu'il se permet d'envoyer promener les clients. C'est un personnage aux multiples facettes qui apparaissent peut-être antithétiques mais qui, en réalité, ne sont pas incompatibles; je lui ai trouvé une grande cohérence car il reste, du début à la fin, fidèle à lui-même et à son caractère inadapté. Ce qui me fait dire qu'il est impossible de passer à côté de la dimension presque philosophique et anthropologique de l'oeuvre, ainsi que d'une mise en abîme: le lecteur étudie le libraire en tant que spécimen, comme ce dernier le fait avec les éléments constitutifs de son monde.

    Le style de l'oeuvre me ferait presque penser au "nouveau roman" à la Duras: on y trouve beaucoup de non-dits, un étrange détachement caractéristique du protagoniste vis-à-vis de toute forme d'existence autre que celle qu'il vit entre les murs de sa boutique. Les phrases sont décousues, les onomatopées nombreuses, l'écrivain s'amuse avec la typographie. Mais ce que j'ai aimé par-dessus tout, c'est de pouvoir m'identifier personnellement à ce libraire par notre vie sociale quasi inexistante (j'ai en revanche la chance d'avoir des amis merveilleux!), le fait de survivre grâce aux livres, l'incapacité à dire les bonnes choses en public ou bien de tout faire capoter en voulant trop bien faire; c'est pourquoi j'ai éprouvé pitié et empathie pour ce personnage si seul avec ses pensées, ses livres et son anxiété. Dois-je également préciser que notre homme est un grand amateur de thé? (en tant que littéraire pur jus, boire du thé quotidiennement est une question de survie. Avec du sucre et un nuage de lait, s'il vous plaît). Et mine de rien, qu'est-ce qu'il est drôle ce libraire avec son côté loufoque et maladroit! 

   Pour finir, je dirai que c'est une lecture agréable, poétique par certains aspects, qui plaira sûrement aux introvertis un peu mélancoliques, adorateurs de livres et qui aiment pouffer tendrement devant la maladresse d'un ami ou d'un personnage.

    Je vous laisse avec une dernière citation qui, je pense, vous parlera: "Dès qu'il ouvrait un livre, le libraire était heureux" (p.33) 

   J'espère que cette lecture, si elle vous tente, vous plaira autant qu'à moi.
A bientôt,
Andréa. 



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