"Les parents terribles" : quand le vaudeville tourne à la tragédie

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Madeleine: On sent le dimanche à autre chose. Les gens sont libres. Il y a du désordre dans l'air, un désordre triste. 
 
 
         Quand j'ai acheté les Enfants terribles, j'étais persuadée qu'il s'agissait d'une pièce de théâtre. Perdu, il s'agissait d'un roman. J'ai donc acheté les Parents terribles, forte de la conviction qu'il s'agissait d'un roman. Doublement perdu : cette fois-ci, c'était une pièce de théâtre.  
Inutile de vous dire, donc, que ma lecture a démarré sur une bien étrange surprise...
 
         Cette pièce de Cocteau a été écrite et jouée pour la première fois en  1938. Je vous mets ici le résumé du film tiré de la pièce, car celui du livre reste assez incomplet et je ne me sens pas de le résumer par moi-même :
"Dans un grand appartement parisien, où se côtoient le désordre d’un couple âgé et l’ordre de la tante Léonie, vieille fille, Michel est l’enfant choyé de cette étrange « roulotte » qui semble rouler à l’écart du monde. Yvonne idolâtre son fils jusqu'à en oublier son mari.
Lorsque Michel découche pour la première fois, c’est pour avouer à sa mère qu'il aime Madeleine, une jeune femme qu'il souhaiterait lui présenter. D’abord réticente, car jalouse et exclusive, Yvonne finit par capituler devant le chagrin de son fils et l’insistance de sa sœur Léonie. Mais le problème reste Madeleine a déjà un « vieil amant » avec lequel elle veut rompre et qui n’est autre que Georges, le père de Michel… La tante Léo va tenter d’ordonner cette tragique comédie de la vie."

          Cette pièce a vraiment été une grosse surprise pour moi ; elle concentre à la fois tous les éléments du vaudeville, et tous les éléments de la tragédie, ce qui place le lecteur dans une situation inconfortable : doit-on rire ou pleurer ? En ce qui me concerne, je dirais : les deux mon capitaine. Tout le sel de cette pièce tient dans le fait que vous ne savez jamais exactement à quoi vous attendre. Cocteau joue avec vos nerfs... et il le fait bien. 

         J'ai énormément apprécié ici les personnages. A l'exception de la mère, Yvonne, qui est une grosse pleurnicharde dépendante affective, tous m'ont été extrêmement sympathique. Même le père, qui est pourtant l'élément déclencheur de la tragédie et qui se comporte de façon ignoble, n'a pas réussi à échapper à cette vague d'affection. Quand on les écoute, on trouve des raisons à tous pour leurs petites bassesses, leurs petites imperfections, et c'est ce qui les rend véritablement humains et attachants. Le discours que tient le père à Madeleine par exemple est très sensé, et on pourrait (presque) ne pas lui en vouloir.

         En ce qui concerne l'intrigue, c'est tout ce que j'aime : en partant d'une histoire assez traditionnelle de tromperies et de secrets au sein d'une même famille, Cocteau arrive à sortir suffisamment des sentiers battus pour nous surprendre, et ce en dépit même du fait que l'on connaisse déjà la fin de l'histoire (oui c'est à toi que je m'adresse, 4e de couverture qui m'a spoilé la pièce). 

         Pour ceux et celles qui aiment les belles citations, n'hésitez pas à fourrer le nez dans cette pièce : Cocteau sait retranscrire par de merveilleux mots ces petits instants sublimes du quotidien. Quelques phrases ici pour vous convaincre :
* Le temps est élastique. Avec un peu d'adresse on peut avoir l'air d'être toujours dans un endroit et être toujours dans un autre.
* Là où elle est, il n’existe pas de fils, de père, de maîtresse. Il n’y a que l’amour. A présent, elle peut vivre. Elle peut habiter la maison. Elle peut aimer une ombre. 
* Notre pire souffrance n'est-elle pas de ne pouvoir imaginer l'endroit ou ceux que nous aimons nous évitent ?
*  Ne fouille pas trop le cœur, Georges. Il est mauvais de fouiller trop le cœur. Il y a de tout dans le cœur. Ne fouille pas trop dans mon cœur, ni dans le tien.

En espérant vous avoir convaincu de donner sa chance à cette pièce sublime !
Bien à vous,

Zorgloub
 

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