Livre préféré : "Les Mystères de Paris" d'Eugène Sue
"Tu le sais, Murph, tu le sais... Certaines vengeances me sont bien chères... certaines souffrances bien précieuses.. J'ai bien soif de certaines larmes !"

Lorsqu'il a été décidé que notre
premier article serait sur l'un de nos livres préférés... j'ai
paniqué, je l'avoue. Quel livre allais-je mettre en avant, au
détriment de tous les autres ? Notre-Dame de Paris,
Nulle et Grande Gueule, Lettre d'une inconnue... Je
voulais un truc qui claque, mais lequel claquait le plus, tel était
mon dilemme. Comme je suis lâche, j'ai opté pour un non-choix :
celui de parler de mon dernier gros coup de cœur, plutôt que
d'avoir à valoriser un livre plutôt qu'un autre. Et c'est comme ça
que les Mystères de Paris s'est retrouvé ici, en tant que
dernière très bonne lecture.
On a du mal à s'imaginer le phénomène
qu'a été ce bouquin à son époque. Publié sous forme de
roman-feuilleton entre 1842 et 1843 par Eugène Sue, ce bouquin,
c'était le Harry Potter de son époque si vous me passez la
comparaison, tout le monde l'avait lu, et la légende raconte (en ce
qui me concerne je ne peux pas confirmer j'étais pas née) que les
illettrés eux-même se faisaient lire ou raconter ce qui s'était
passé dans le dernier épisode.
Petit résumé tiré d'une édition
par Robert Laffont : « Sautant
d'un carrosse, un homme s'engouffre, à la poursuite d'un couple,
dans les ruelles malfamées qui s'entrelacent au pied de la
cathédrale Notre-Dame. À cette heure tardive, Fleur de Marie,
l'orpheline grandie sur le pavé de Paris, revient d'avoir poussé la
chansonnette sur le boulevard du Temple. Elle ne sait pas encore que
ces trois personnages vont faire basculer son destin... Avec Finette
Gervais, dite la Chouette, et son complice Maître d'école, avec
Chourineur le costaud, Tortillard le mauvais drôle ou la charmante
Rigolette, palpite ici le Paris cruel et coloré, de magouilles et
d'entraide, des années 1830. »
Ce
qu'il y a de fascinant avec ce roman, c'est qu'il est impossible de
s'ennuyer pendant sa lecture : les intrigues s'entrecroisent, se fondent, se
multiplient, se renouvellent sans cesse, ce qui permet au lecteur de
ne jamais avoir une sensation de lassitude, et ce en dépit du fait
que ce gros bébé pèse plus de 1300 pages. C'est un peu comme
suivre sa série préféré, vous êtes toujours heureux de retrouver
les personnages qui avaient provisoirement été mis de côté par
l'action, et vous pleurez, riez avec eux.
Pour
ce qui est des personnages, même si quelques uns restent assez
caricaturaux -on pourrait citer la Chouette par exemple, qui est la
pire des sales races et qui l'assume pleinement, le clan Martial,
méchants de père en fils, ou encore la Goualeuse, qui est tellement
parfaite que c'en est énervant- le travail psychologique reste
globalement très réussi, et les personnages sont surprenants de
nuance. Eugène Sue n'hésite pas à les faire évoluer, ce que je
trouve pour ma part plus agréable que des héros figés. Gros point
fort également : les personnages féminins. Pour un roman du
XIXe siècle, et pour un roman tout court à bien y réfléchir,
juste WAHOU. Fleur-de-Marie aka la Goualeuse, Mme Georges,
Rigolette : trois femmes au grand cœur, travailleuses,
volontaires, et pourtant chacune à leur façon, chacune ayant ce
petit quelque chose qui la rend unique. Ca change de cette partition
classique du roman « femme forte et badass vs femme faible et
naïve ». Rigolette, par exemple, que j'aime de tout mon cœur,
est la naïveté et la mignonnerie même, et pourtant elle fait son
petit bonhomme de chemin toute seule, avec une persévérance et une
force incroyable. Bref, pour des personnages féminins un peu
originaux, foncez !
L'écriture
en elle-même est très agréable. Sans fioriture, c'est avec une
merveilleuse simplicité et pourtant une grande précision qu'Eugène
Sue nous dépeint ces scènes de la vie parisienne. L'auteur a su
doser comme il faut descriptions, narrations et dialogues, sans
aucune surcharge, et cet équilibre permet une lecture à la fois
enrichissante et reposante.
Le
seul défaut que l'on puisse vraiment faire à ce roman, c'est
peut-être son côté un peu manichéen et sa légère naïveté.
Méchants d'un côté, gentils de l'autre (cf supra quand je parlais
de certains personnages caricaturaux), les seconds l'emportant
systématiquement sur les premiers. L'éducation et l'édification
par l'exemple comme moyen d'éradiquer toute violence, le mal étant
toujours bâti sur l'ignorance. Les méchants qui sont méchants
parce que c'est cool d'être méchant. Cela peut parfois sembler peu
convaincant. En ce qui me concerne, cette partition gentil/méchant
ne me dérange pas trop, ras-le-bol des anti-héros attachants qu'on
nous vend à toutes les sauces, mais je peux comprendre que cela en
rebute certains. Et tout cela reste quand même à nuancer un
chouïa : aucun personnage n'est à l'abri d'un changement. Le
Chourineur, la Louve, Cecily et Calebasse en sont autant d'exemples.
Et pour ce qui est de la naïveté, itou : le mal c'est
pire que le bien, ouaip d'accord ; mais encore une fois, je
préfère un idéalisme outré à un cynisme total.
Les
Mystères
de Paris
mérite donc sa place toute nouvelle parmi mes romans préférés, et
cette place d'honneur sur le présent blog : riche et fascinant,
il saura combler toutes les attentes d'un lecteur curieux de
connaître la France du XIXe siècle !
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