LIVRE PREFERE : "Trainspotting" d'Irvine Welsh



« La vie est belle. Je vais la savourer, cette vie, et elle sera longue. Je serai ce que le corps médical appelle un survivant de longue date. Je le serai, je le sais. »

Une citation pleine d’espoir et de légèreté, pour introduire un livre qui n’en regorge pas. Ambiance !

On a tendance à l’oublier, mais Trainspotting, avant d’être le film culte de Danny Boyle (avec cette scène d’anthologie où Ewan McGregor plonge dans des toilettes), est un roman, écrit par l’écossais Irvine Welsh et publié en 1993. Et quel roman ! Une véritable claque…

Difficile de faire un résumé ; en effet, une dizaine d’histoires s’imbriquent en une seule* : si le combat de Mark Renton (Ewan McGregor dans le film) pour décrocher de l’héroïne constitue le fil rouge de l’œuvre, Trainspotting est un roman polyphonique, où s’entrecroisent les parcours et les points de vue d’une dizaine de personnages secondaires, mais surtout des quatre (anti)héros : Renton (le narrateur principal), antisocial et qui se pose beaucoup de questions, et qui, de son propre aveu, a choisi la drogue pour « ne pas choisir la vie » ; Sick Boy (Johnny Lee Miller), son meilleur ami qui ne brille pourtant pas par sa prévenance, caractérisé par son ambition et sa très (trop ?) grande confiance en lui ; Begbie, incontrôlable et craint de tous, pour qui toute personne croisant sa route constitue un défouloir potentiel (interprété par l’homme de ma vie, le merveilleux Robert Carlyle, qui arbore dans ce film une petite moustache du plus bel effet) ; et enfin Spud (Ewen Bremner), qui semble appartenir à un autre monde, tant son côté « mangeur d’acide » contraste avec une innocence et une gentillesse qui détonnent dans l’univers dans lequel il évolue.

Un avertissement s’impose : ce livre n’est pas à mettre entre toutes les mains (autrement dit : ne mangez pas en lisant). Considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs ouvrages jamais écrits traitant le sujet complexe de l’addiction aux drogues dures, ce roman est trash, certains diront à la limite du soutenable (pas pour moi, mais vous serez vite amenés à comprendre qu’en tant que lectrice, j’apprécie particulièrement les sujets que l’on pourrait qualifier de « difficiles »). Tout est une question d’interprétation : il se peut fort que cet ouvrage tombe des mains de ceux qui y verront une surenchère gratuite ou un goût malsain pour les détails trop extrêmes ; mais à mes yeux, cette violence, cette atmosphère glauque font d’autant plus sens qu’elles sont contrebalancées, dans un équilibre assez virtuose, par des touches d’humour bien dosées absolument hilarantes et des passages, rares, mais qui dégagent une telle lumière, une telle rage d’atteindre enfin le bout du tunnel, de tout reprendre à zéro, une rage de vivre, tout simplement… Leur irruption inattendue au sein de cet univers très dur n’en est que plus frappante.

S’il me semble approprié de qualifier ces personnages d’antihéros, il m’apparaît important de s’entendre sur le sens que cette expression prend ici, pour moi (comment que je cause riche). Renton, Sick Boy, Begbie et Spud ne sont pas des personnages qui, sous leurs petits travers, cachent finalement un grand cœur et un véritable désir de faire le bien, des qualités qu’ils seraient amenés à dévoiler au cours d’un flamboyant parcours initiatique. Plus que simplement  faillibles, ils sont parfois lâches, égoïstes, méprisants, voire d’une violence criminelle. Difficile de les admirer ; mais impossible de ne pas s’y attacher. Ils ne sont pas des modèles ; ils sont des êtres humains, capables parfois du meilleur, à coup sûr du pire.

Et pourtant… Ces personnages, je les aime de tout mon cœur. Et jamais je n’oublierai l’impact qu’ils ont eu sur moi. Trainspotting a accompagné mon passage à l’âge adulte, autant dans la vraie vie (je l’ai lu alors que j’étais tout juste majeure) qu’en tant que lectrice. Je ne peux que dresser un parallèle entre ce livre et L’Attrape-Cœur de J.D. Salinger, qui était mon roman préféré lorsque j’étais adolescente ; de la même façon que Mark Renton est un peu un Holden Caulfield adulte qui aurait grandi à Édimbourg, Trainspotting, c’est un peu mon Attrape-Cœur de l’âge adulte : la même sensation d’atteindre un nouveau cap, tant émotionnellement que littérairement parlant ; le même sentiment de ne pas pouvoir se détacher complètement d’une histoire, même des mois après avoir refermé le livre ; le même petit pincement au cœur lorsque, par hasard, quelqu’un évoque cette histoire devant moi ; la même sensation d‘avoir rencontré un ou des personnages qui, plus que de simples noms sur une page, seront toujours des amis.

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A la lecture de cette première chronique, vous aurez appris plusieurs choses sur moi :
1)      J’adore Trainspotting.
2)      J’aime commencer mes chroniques par une citation.
3)      J’affectionne tout particulièrement les points virgules (ils méritent notre amour).

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*Une dizaine est singulier, mais c'est difficile de s'imbriquer tout seul : cette phrase est comme la tartine de beurre accrochée au dos d'un chat, elle a la capacité de créer un paradoxe spatio-temporelle. 

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