Mon livre préféré : Cyrano de Bergerac par Edmond Rostand ou comment je suis née
Même
sans l’avoir lu, je pense que tout le monde (ou presque) connait l’histoire,
mais je vais quand même la résumer ici en quelques mots, pour être sûre que
nous parlons tous bien de la même chose. Cyrano de Bergerac fait partie des
cadets de Gascogne dans les troupes du roi. C’est un soldat redoutable connu
pour sa verve, mais surtout pour son nez disproportionné dont il vaut mieux ne
pas lui parler sous peine de déclencher sa colère. Cyrano est secrètement
amoureux de sa cousine Magdeleine Robin –dite Roxane- qui est, elle, amoureuse
du beau Christian de Neuvillette, jeune cadet de Gascogne. Christian est aussi
amoureux de Roxane mais a peur de la séduire car il sait qu’il ne parle pas
bien, comme Roxane le voudrait. Cyrano, de son côté, n’ose pas séduire Roxane à
cause de son physique désavantageux. Il décide alors d’allier sa plume au
physique de Christian pour gagner le cœur de Roxane. Je n’en dis pas plus pour
laisser à ceux qui n’ont pas encore lu (ou au minima vu) la pièce l’occasion de
la découvrir par eux-mêmes (car, soyons honnêtes, rien ne vaut jamais une
première lecture et la découverte d’une œuvre à travers ses propres yeux). Je trouve
le triangle amoureux constitué par Cyrano, Roxane et Christian particulièrement
intéressant car je ne le vois pas comme quelque chose de niais (veuillez
m’excuser s’il y a parmi vous des amoureux de triangles, mais j’ai une légère
tendance à DETESTER les triangles amoureux…) et de prévisible, mais bien au
contraire, on touche là à l’essence-même de l’amour : se perdre dans
l’autre, tirer son bonheur du bonheur de l’autre,… et je trouve cela simplement
magnifique. La justesse de l’écriture d’Edmond Rostand permet l’exaltation de
cet amour sublimé : les mots sont où il faut, quand il les faut, pas un de trop, pas un ne manque. Ce
qui empêche encore une fois de tomber tête la première dans le piège de la
niaiserie tendu par le thème du triangle amoureux. Mais plus qu’une réflexion
sur l’amour, Edmond Rostand nous offre avec Cyrano
de Bergerac une réflexion toute en douceur sur l’écriture elle-même et sur
la poésie (si cette question vous intéresse, vous pourrez lire un article fort
intéressant à ce sujet à l’adresse suivante : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/2107/files/2016/12/Cyrano-de-Bergerac.-Elisa-Sini.-2016.pdf
; je trouve la conclusion peut-être légèrement naïve mais cela n’ôte en rien le
mérite de l’auteure). Le point fort de cette pièce étant la façon dont Edmond
Rostand a lié ces deux thématiques de l’amour et de l’écriture (si vous voulez
approfondir la question, vous trouverez sans problème sur internet des articles
mettant en relation ces deux sujets).
J’ai
découvert la pièce d’abord à travers l’adaptation filmée de Jean-Paul Rappeneau
avec Gérard Depardieu dans le rôle-titre quand j’étais petite. J’avoue ne pas
avoir accroché tout de suite : j’avais sept ans et je ne comprenais pas
l’intérêt de l’écriture en vers, et surtout, JE N’AIMAIS PAS ROXANE ! Je
la trouvais cruche : mais comment ne voit-elle pas que Cyrano est son
véritable amour ? Pourquoi préfère-t-elle ce bellâtre de Christian ?
Ne voit-elle que le physique ? Et Cyrano lui-même, pourquoi cautionne-t-il
l’amour de Christian et Roxane ? Pui j’ai grandi, j’ai mûri. J’ai revu le
film, j’ai lu la pièce. Et j’ai compris. Roxane est en réalité loin d’être une
cruche ; elle n’est pas du tout attirée par la beauté de Christian, mais
par ses mots, sa poésie. C’est une véritable amoureuse des lettres. Quant à
Cyrano, il sacrifie son bonheur pour celui de la femme qu’il aime, et quelle
plus belle preuve d’amour peut-il y avoir ? Avec le temps, et grâce à mes
lectures de poésies ou d’autres pièces écrites en vers, je me suis habituée à
une autre écriture que la prose. Plus qu’habituée, e peux maintenant affirmer
que j’aime véritablement les vers (je crois que je les ai toujours aimés au
fond de moi mais je ne m’en rendais pas compte, comme l’amour de Roxane pour
Cyrano). Cyrano de Bergerac est à mes
yeux l’une des plus belles pièces de la littérature française, elle me touche
au plus profond de mon être.
Pendant
longtemps je n’ai pas aimé mon prénom. Mais aujourd’hui, je suis presque fière
de m’appeler Roxane. Merci Monsieur Rostand.
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