"Les aventures de Télémaque" ou l'ennuyeuse épopée


Depuis que ce blog a débuté, vous avez eu la chance de ne profiter que d'articles où je me montrais assez satisfaite de ma lecture. Comme je ne voudrais pas passer pour une imbécile heureuse (je suis loin de l'être, je déteste un quart des auteurs de cette planète), le moment m'a semblé opportun pour vous parler d'un livre exécrable.
Et tant pis si cela vous spoile sur le contenu de l'article. Na.

Commençons par le commencement. Les aventures de Télémaque est un roman-didactique de Fénelon publié en 1699. L'histoire est assez simple : Télémaque, ne voyant pas son père Ulysse revenir, décide de partir à sa recherche, avec l'aide de son mentor Mentor (oui je suis drôle). Au cours de ses pérégrinations, Télémaque devra affronter de muuuultiples aventures toutes plus palpitaaaaantes les unes que les autres (non).

Ce roman avait pour vocation à servir de modèle aux élèves royaux, Fénelon étant précepteur, afin de les mener sur la voie du bon gouvernement. A sa publication, ce fut un grand succès, grand succès qui provoqua la chute de Fénelon puisque le pouvoir royal apprécia assez moyennement les possibles remises en cause de sa manière de faire. 
Voilà, donc ça c'est pour la petite histoire.

Pour ce qui est de la lecture... Hum. Comment vous retranscrire l'ennui que j'ai ressenti à cette lecture ? Un traité sur la manière d'éplucher un oignon m'aurait sans doute plus passionné.

L'idée de base est très bonne. J'adore les reprises, et l'histoire d'Ulysse, c'est toute ma jeunesse, alors j'étais plutôt enthousiaste de base. De base. Parce que ce roman, qui se présente comme un roman d'aventures (si j'attrape le petit mariole qui l'a classifié en roman d'aventure, je lui ferais bouffer ses baskets), ne comporte en réalité aucune action. Certes, Télémaque se déplace. Mais on peut difficilement dire qu'il fait autre chose que de passer d'un endroit à un autre. Tous les obstacles qu'il rencontre, il galère un peu dessus au début, et puis en réfléchissant longuement au sens de la vie, il finit par triompher. Eeeeet suivant ! Sauf que non, ce n'est pas ça un roman d'aventure. Il faut être tenu en haleine, avoir peur, rire, être surpris dans un roman d'aventure. Ici, le seul vrai moment de surprise a été quand j'ai retrouvé une mouche écrasée dans mon livre, mais je ne pense pas que Fénelon en soit directement responsable. Je me souviens notamment d'une scène de combat ; qui dit combat dit sang, violence, rage, rythme ! Pas chez Fénelon. Rarement vu un combat manquant autant d'épique. Mortels qui commencez cette lecture, perdez tout espoir : le fun ne sera pas.

Mon deuxième gros reproche pour ce roman est son aspect ultra-moralisateur. Alors certes vous me direz "ouiiii mais Zooorg, tu exagèèèères, tu savais bien que c'était un roman didactiiiique", mais je vous répondrais : si on avait essayé de vous apprendre des choses de cette manière-là enfant, vous ne sauriez sans doute pas lire aujourd'hui, ayant préféré une épreuve moins douloureuse, du style une balle dans le crâne. Plus sérieusement, je n'aime pas trop la littérature du XVIIIe (j'inclus cette oeuvre dans le XVIIIe car elle a beaucoup de ressemblances avec les romans des Lumières et puis ça date de 1699 donc zut). C'est tellement prescriptif, la morale, toujours la morale, faire le bien et gnia gnia gnia. Les seuls romans de cette période que j'apprécie sont précisément ceux qui sont qualifiés d'immoraux : Les Liaisons dangereuses, ou encore Manon Lescaut. Mais j'en ai lu des moralisateurs aussi, avec beaucoup de patience, et aucun ne m'avait jamais fait atteindre cette détestation absolu.
Ici, ce n'est pas l'histoire qui cache la morale. C'est la morale qui cache l'histoire. La moindre petite bribe d'action que vous réussissez laborieusement à extraire de cet attroupement de mots fades est impitoyablement massacré par de longs monologues pensifs sur ce qu'il faut faire. Télémaque est à frapper. "Et si je faisais ça, oh mais non, il me faut être un homme bon, Mentor me dirait ça, et puis mon père ça, et puis mon peuple, et puis le pays des Schtroumpfs". A chaque fois qu'il choisit la voie du ~mal (tout relatif), il se rend finalement compte -plot twist- que la vertu est un meilleur choix. Wahou. On s'amuse. 
Et le personnage de Mentor... Mentor, Mentor, Mentor... Normalement, Mentor est la forme humaine de la déesse Athéna. Je savais qu'Athéna était la déesse de la sagesse, mais on m'avait également caché qu'elle était la déesse des rabats-joie. Mentor est un trouble-fête fini. Certes, il est précepteur, il doit s'occuper de son poulain, tout ceci est bien normal. Mais laisse le aussi vivre un peu, ce pauvre gosse. Il est jeune, il recherche son père, il n'est pas mauvais, alors pourquoi faut-il que tu t'acharnes autant ?! Un peu de subtilité, que diable ! Récompense le de temps en temps ! Enfin bref, je ne vais pas vous faire un traité sur l'éducation, mais Mentor est insupportable.

Avant de faire une rupture d'anévrisme suite à un énervement prolongé, je vais m'arrêter là. Ma conclusion est claire. Trop de morale tue la morale. Fénelon aurait du faire un choix : soit écrire un traité philosophique, soit écrire une épopée. Mais ce mélange bâtard et boiteux ne fera la joie de personne, à moins que votre passion dans la vie ne soit de passer de longues matinées pluvieuses dans quatre cents cinquante pages non moins pluvieuses. Astuce : épargnez-vous ça.
Et mince, voilà que je moralise à mon tour.

Zorgloub








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