Une idée pour le prochain Pumpkin Autumn Challenge ? - "Coraline" par Neil Gaiman


"Le courage, c'est quand on a peur mais qu’on y va quand même."

J’AI BIEN LIBELLE COMME CA JE NE ME FERAI PAS TAPER SUR LES DOIGTS PAR ZORGLOUB.

« Rendez-vous la semaine prochaine », vous y avez vraiment cru, à ça ? Alors là, vous ne me connaissez pas encore bien. Disons que je suis en avance pour l’année prochaine !

A l’image de Margaud Liseuse, je suis une lectrice saisonnière. Je vais même un peu plus loin que ça : je choisis mes lectures, non seulement en fonction de la saison, mais aussi, parfois, en fonction de la météo ou de l’heure de la journée, bref, de ce que je vois depuis ma fenêtre ou de ce qui m’entoure si je lis en extérieur. Chacun ses lubies, que voulez-vous. Toujours est-il que ce petit bijou a trôné sur ma table de nuit dans les jours suivant Halloween et que je le reprenais avec plaisir chaque soir, juste avant de dormir. Bizarrement, ça m’a coupé toute tentation de me relever pour parcourir les couloirs à la nuit tombée…

Coraline Jones vient d’emménager dans une nouvelle maison, avec ses parents, qui travaillent beaucoup. Au cours d’une de ses explorations, la petite fille découvre un passage vers un univers parallèle, semblable à son monde… mais en mieux : les jouets sont vivants, les animaux parlent, et son Autre Mère est plus présente… peut-être même trop présente. A tel point que Coraline commence à sentir ses chances de retourner dans son univers, et de retrouver ses vrais parents, s’amenuiser ...

J’ai vu l’adaptation en animation image par image par Henri Selick il y a quelques années maintenant, je devais avoir 14 ans. Je l’ai regardé toute seule, dans ma chambre, dans le noir. Une fois le film terminé, j’ai rejoint mes parents dans le salon... et j’ai fondu en larmes. Pourtant le film n’était ni triste, ni profondément terrifiant. Juste très, très marquant. Et perturbant.

A l’image de « La Légende de Sleepy Hollow », l’expérience Coraline peut être vécue à fond en combinant film et livre : Henry Selick a su apporter, dans son adaptation, des éléments inédits bienvenus, en prenant, notamment, plus de temps pour s’étendre sur la découverte par Coraline de l’autre monde et pour instaurer un lien plus fort entre la petite fille et son Autre Mère. Dans le livre, Coraline sent très vite – trop vite ? – que quelque chose cloche dans ce monde parallèle ; la Coraline du film, au contraire, se laisse berner dans un premier temps, séduite par cet univers où tout est plus beau, plus grand, plus magique – ce qui rend le piège qui se referme lentement sur elle plus effrayant encore. Le côté sale gosse sympathique qui a été donné à Coraline dans le film rend son duel contre l’Autre Mère plus piquant, et l’ajout du personnage de Whybey apporte de nouvelles dynamiques très intéressantes. Le visuel est superbe (je suis une grande fan d’animation image par image, ça ne pouvait que me plaire), il retranscrit parfaitement toute la dualité de cet univers, à la fois féérique et angoissant - il est vrai que l'on sent bien une certaine parenté avec l'Alice de Carroll dans l'imaginaire de Gaiman.

Mais rentrons dans le vif du sujet : le livre – je suis un peu là pour parler de ça, après tout. Même sans l’appui du film, le livre est très bon. Très, très bon. Même si j’avais déjà vu le film et que, par conséquent, je me souvenais, plus ou moins, de comment ça se finissait, je sentais la tension monter au fur et à mesure de ma lecture, j’avais la mâchoire serrée et les yeux rivés sur chaque ligne, le cœur battant, et ça, mesdames et messieurs les gens, c’est la marque des grands livres : quand il n’y a aucun suspens, qu’on connaît déjà la fin, mais qu’on reste dans l’attente fébrile d’un ultime retournement de situation.

Notre héroïne partait avec ce qui aurait pu être un handicap de taille : c’est une petite fille. Et s’il y a bien une chose difficile à cerner et à créer dans un roman, c’est bien les personnages d’enfants : comment rendre complexe et intéressant un personnage qui, par définition, n’a pas, ou presque, de vécu et de recul sur ce qui lui arrive ? On peut saluer Neil Gaiman, qui s’en est sorti avec brio : certes, sa Coraline n’a pas ce petit côté pimbêche qui rend son alter ego filmique si attachant ; mais, à sa manière, elle a toutes les qualités qui font la force des bons personnages d’enfants : elle est aventurière, un peu fantasque, elle a du cran et beaucoup d’astuce, un cerveau qui tourne à plein régime, bref, elle est pleine de ressources. 

Gaiman a eu la justesse d’esprit de ne pas essayer d’en faire une adulte dans un corps d’enfant : il n’y a pas de longs monologues introspectifs, de profondes plongées dans une psychologie torturée, qui auraient sonné faux. Au contraire, plusieurs pages du roman consistent en la  simple description de Coraline errant dans sa maison, se préparant une pizza, vivant sa vie sans que l’on ait accès à ses pensées - elle est comme détachée de tout. On a parfois l’impression que rien ne l’atteint, qu’elle n’a pas conscience de la gravité qui se passent autour d’elle. Et là, d’un coup, au détour d’un paragraphe, cette phrase : « Cette nuit, Coraline s’est relevée dans son lit et a pleuré ». Il n’en fallait pas plus.

De même, Gaiman a eu la bonne idée de ne pas faire de Coraline une gamine téméraire, prête à plonger tête baissée dans les situations les plus périlleuses par pur goût de l’aventure. Comme n’importe qui dans une telle situation, Coraline a peur. Elle est même terrifiée. Mais s’il y a bien une chose que prouve ce livre, c’est que le courage ne se traduit pas par l’absence de peur ; le courage consiste à affronter ses peurs pour faire ce qui est juste.

Si vous vous sentez d’attaque, je conseille une lecture en version originale. La langue est très accessible, on comprend l’idée générale sans avoir besoin de se plonger dans le dico à chaque page, mais si on cherche la traduction précise de certains mots on apprend plein de nouveaux termes (grâce à Coraline, je sais dire pâte à pain), donc c’est chouette – c’est la Khâgne spé anglais qui parle, toi aussi révise ton concours blanc avec Neil Gaiman. De plus, certaines trouvailles du livre sont très appréciables en VO, et je ne sais pas du tout comment elles ont été retranscrites en Français. Ainsi, au cours de son aventure, Coraline fait la connaissance de plusieurs personnages qui viennent d’une autre époque. Aucune mention de cette époque, pas de date, pas de précisions apportées par les personnages : leur façon de parler suffit – un parler shakespearien pour l’un des personnages, qui emploie encore le thou pour dire tu. Ces tout petits détails rendent la lecture très ludique et très plaisante, j’ai trouvé qu’ils apportaient un autre niveau de profondeur et de subtilité.

Enfin, préparez-vous : une certaine scène vers la fin du roman va vous laisser le cœur serré.


Alors, on se le met de côté pour le prochain Halloween ? 

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