Ce roman a fait de moi ce que je suis - Une Petite Princesse de Frances Hodgson Burnett



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Je vous avais déjà un peu teasé avec ma chronique consacrée à la série de BD Princesse Sara, voilà, enfin, le gros morceau : ce mois-ci, j’ai relu, pour la quatrième ou cinquième fois (et, pour la première fois, en VO), Une Petite Princesse de Frances Hodgson Burnett. Ce roman avait marqué mon enfance, j’en gardait un souvenir profondément ému, mais que je craignais dithyrambique et rendu flou au fil du temps (j’avais découvert ce livre à 8/9 ans ; au printemps prochain, j’en aurai 20). Cette relecture avec un regard d’adulte a-t-il comblé mes attentes ? Oh que oui, et bien au-delà de mes espérances…

Mais, me diras-tu, petit lecteur attentif et impatient, de quoi que ça parle ? Eh bien, ami lecteur, mon semblable, mon frère, si tu as grandi au début des années 2000 et qu’il t’est arrivé de tomber, au hasard du zapping du mercredi matin, sur ce tire-larme de l’extrême qu’est l’anime Princess Sara, tu connais l’histoire. Une Petite Princesse relate les aventures de Sara Crewe, une fillette de sept ans, orpheline de mère, qui a été élevée aux Indes par un père jeune, profondément affectueux et immensément riche, qui n’a eu de cesse de couvrir sa fille unique de trésors. Soucieux de son éducation, le capitaine Crewe laisse sa fille aux bons soins (*raclement de gorge insistant*) de Miss Minchin, directrice d’un pensionnat select pour jeunes filles de Londres. Cette dernière, qui voit en l’arrivée de cette élève de marque une aubaine pour la réputation de son institut, n’en demeure pas moins hostile à la petite Sara, dont l’intelligence aiguisée et le comportement parfois impénétrable la laissent souvent dans une frustrante incompréhension. Quelques années plus tard, un terrible revers de fortune bouleverse complètement la vie de celle dont le mode de vie fastueux et l’imagination débordante lui avait valu le surnom de « Princesse Sara » ; abandonnée de tous, déchue de son piédestal, c’est désormais une vie de dur labeur et d’extrême dénouement qui attend la petite princesse… (Mille excuses par avance à ceux qui ont lu ma chronique dédiée à Princesse Sara, si je me répète : je ne l’ai pas relue avant d’écrire celle-ci.)

Les mots me manquent pour dire à quel point ce livre a une importance capitale dans ma vie. Tout d’abord, anecdotique, mais tout de même : de la même façon que ma comparse Roxane a appris à aimer son prénom en découvrant l’héroïne d’Edmond Rostand, j’ai, moi aussi, trouvé un alter ego littéraire qui me rend fière de porter ce prénom que je n’appréciais pas particulièrement quand j’étais enfant (quand tu portes le même prénom qu’une femme sur soixante en France et qu’il y a, tous les ans, deux autres Sarah dans ta classe, ça peut être lourd). Mais, au-delà de ça, même en temps qu’adulte, Sara Crewe, aussi jeune soit-elle, reste pour moi un modèle. Elle incarne cette valeur que je place au-dessus de tout dans mon appréciation de la vie (z’avez vu comment que je cause riche) : l’équilibre. Elle est, à la fois, profondément humaine et réaliste, de par ses imperfections, et remarquablement saine dans sa façon d’appréhender la vie. Elle est douce, mais pas candide (amateurs de l’anime, on vous a menti : la Sara Crewe originale a un sens de la répartie peu commun) ; elle est généreuse, tolérante et compréhensive, mais ne se voile pas la face et sait voir les défauts de ceux qui l’entourent, même ceux de ses amis ; elle ne croit pas que la violence soit une réponse acceptable à la violence, mais cela ne signifie pas que la tentation ne soit pas présente (si, ami lecteur, tu te laisses tenter par cette lecture, je te renvoie au dialogue avec Lavinia : « Je veux te frapper, et, en même temps, je ne le veux pas », ou comment une enfant de neuf ans peut t’expliquer la vie en une demi-page). Elle ne se croit pas supérieure aux autres, mais est parfaitement conscience de ce qu’elle vaut. En cela, elle n’est pas sans rappeler une autre héroïne chérie parmi les bookworms que nous sommes : Belle, de La Belle et la Bête.

Mais Sara me rappelle également une autre héroïne très chère à mon cœur : Shéhérazade, des Mille et Une Nuits (non, pas celle de Captive). Au cas où vous ne le sauriez pas encore, tout ce qui est un peu oriental dans l’esprit, c’est mon truc, c’est vraiment le type d’ambiance qui me transporte, qui me fait rêver, qui m’éblouit. Or, non seulement Sara vient des Indes, et a donc, dans son entourage proche, pas mal d’éléments qui rappellent les lieux de son enfance, mais son imagination s’est profondément nourrie de ce cadre exotique. Sara est une conteuse hors pair : ses histoires romanesques séduisent les autres petites pensionnaires de l’institut, mais aussi le lecteur, qui se laisse porter par ces récits peuplés de princesses des pays lointains et de créatures fantastiques. Une héroïne cérébrale, réfléchie, contemplative dans le bon sens du terme, pour qui la maîtrise des mots et l’inventivité constituent les meilleures armes, moi, ça me rappelle drôlement une autre héroïne venue d’un pays lointain qui fut sauvée par son talent de narratrice…

Il y a tant d’autres éléments qui mériteraient qu’on s’y appesantisse. Tout d’abord, il y a toute une galerie de personnages secondaires, voire anecdotiques, mais qui font preuve d’une telle générosité, d’une telle bonté qu’on en a parfois les larmes aux yeux (Becky la servante dévouée, Ermengarde l’amie parfois un peu à la traîne mais toujours de bonne volonté, Ram Dass le Lascar qui se plie en quatre pour soulager un peu le quotidien de sa petite voisine de mansarde, Mr Carmichael, l’avocat et chaleureux père de famille, la boulangère émue par le sens du sacrifice d’une petite fille, etc.). Bien évidemment – car que serait une bonne histoire sans de bons antagonistes ? -, des méchants d’anthologie ; la peste Lavinia a marqué les esprits des amateurs de la série – et dans le livre, c’est pire : Lavinia et Sara ont six ans d’écart… A quel moment tu te sens en concurrence directe avec une gosse quand tu es toi-même presque une adulte ? Mais le boss de fin reste Miss Minchin : je ne sais pas toi, camarade lecteur, mais moi, une femme d’âge mûre qui mène une guerre psychologique contre une gamine de onze ans qu’elle considère comme son ennemie intime, je trouve ça déroutant – et fascinant. A cela s’ajoute une bonne histoire bien plombante pour le moral de gamins malheureux et mal nourris – ne nous voilons pas la face, on aime tous ça, sinon il n’y aurait pas Oliver Twist et autres Sans Famille – et un esprit très conte de fée, avec un retournement de situation final que même Sara n’aurait pas pu imaginer, bref, tous les éléments sont là pour passer un bon moment.


Je n’oublierai jamais ce que ce livre m’a apporté : il a contribué à forger le caractère de la petite fille que j’étais, et j’espère qu’il m’aidera à devenir la femme que je veux devenir. Enorme merci à Frances Hodgson Burnett, et, surtout, merci à toi, mon alter ego littéraire : tu m’as appris qu’avec beaucoup de volonté et d’imagination, on peut venir à bout des pires épreuves en restant fidèle à soi-même.  

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